Deux siècles de législation en faveur du patrimoine bâti
PROTECTION du PATRIMOINE
Deux siècles de législation et de réglementation (1790-2004)
1790 : la Convention crée une Commission des monuments. Alexandre Lenoir en est nommé premier conservateur le 4 janvier 1791.
An II, 3 Brumaire (24 octobre 1793): décret pris immédiatement après et pour le limiter, celui du 9 octobre 1793 qui invitait à faire disparaître "tous les signes de royauté et de féodalité dans les jardins parcs enclos et bâtisses". Le décret du 24 octobre défend (article 1er ) " d’enlever, de détruire, de mutiler et d’altérer en aucune manière, sous prétexte de faire disparaître les signes de féodalité et de royauté dans les bibliothèques, dans les collections (...) ou chez les artistes, les livres, les dessins (...), les tableaux, les statues, les bas-reliefs, (...), les antiquités (...) et autres objets qui intéressent les arts, l’histoire ou l’instruction". Quant à l'article 10 il stipule que "les sociétés populaires et tous les bons citoyens sont invités à mettre autant de zèle à faire détruire les signes proscrits (…) qu'à assurer la conservation des objets (…) comme intéressant essentiellement les arts, l'histoire et l'instruction".
An II (1793): Faisant suite au décret qui précède, instruction « sur la manière d’inventorier et de conserver dans toute l’étendue de la République, tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l’enseignement, proposée par la commission temporaire des arts et adoptée par le Comité d’Instruction publique de la Convention nationale ».
1810 : Première tentative d’un inventaire des monuments par Alexandre de Laborde, ministre de l’Intérieur, qui en charge les préfets. La liste sera publiée en 1816, les monuments étant présentés par ordre chronologique.
1830: Guizot crée par décret le poste d’Inspecteur des monuments historiques (le premier en est Ludovic Vitet [1830-1834], le second Prosper Mérimée). Parallèlement est créé le Comité des Travaux historiques chargé, par le ministère de l’Instruction publique, d’inventorier et de décrire les monuments. Les premières listes de monuments à protéger sont dressées.
1837: Une instruction du 10 août ordonne aux préfets de « classer » de manière systématique selon leur ordre d’importance, les monuments anciens de leur département. C’est la naissance du terme « classement ». Le 29 septembre est créée la Commission des monuments historiques, dépendant du ministère de l’Intérieur, chargée d’aider l’Inspecteur des monuments historiques et de répartir les crédits d’Etat alloués à l’entretien et à la restauration des bâtiments classés.
1887: Loi du 30 mars. Première loi qui définit la protection par l’Etat des monuments historiques et détermine les conditions de son intervention. Cette loi autorisait le ministre de l’Instruction publique et des Beaux Arts à classer les bâtiments publics et privés qui pouvaient revêtir un intérêt historique ou artistique. Elle instaure également le corps des Architectes en chefs des monuments historiques.
1889: Un règlement vient compléter la loi de 1887.
1906, 21 avril : Première loi sur la protection des sites et monuments naturels de caractère artistique.
1913: Loi du 31 décembre. Elle s’est substituée à la loi de 1887 dont elle a intégré la liste des monuments classés. Régulièrement complétée, c’est toujours la loi cadre, toujours en vigueur, elle définit le cadre et le statut des monuments historiques (MH) qu’elle entend comme immeubles ou meubles. Les valeurs historique et artistique et l’intérêt public sont les trois principaux critères retenus pour que s’applique la protection. Loi contraignante, elle institue une limitation au droit de propriété pour cause d’intérêt public.
1914: Loi du 10 juillet. Elle crée la Caisse des monuments historiques et préhistoriques.
1924: Décret du 18 mars, organisant les procédures de protection prévues par la loi de 1913.
1927: loi du 23 juillet, qui prolonge celle du 31 décembre 1913, en instaurant l’inscription sur l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (ISMH) des immeubles qui présentent « un intérêt d’histoire ou d’art suffisant pour en rendre désirable la préservation ». La loi prévoit donc désormais deux niveaux de protection : le classement dés lors que le monument présente un intérêt public « majeur » ; l’inscription lorsque le monument présente un intérêt « suffisant ».
1930: Loi du 2 mai. Calquée sur celle de 1913, elle crée la notion de site naturel protégé instituant la protection d’un espace et non plus seulement d’un monument. Comme pour les monuments il est prévu que la protection passe par le classement ou l’inscription.
1941: Loi du 27 septembre (validée par une ordonnance du 13 septembre 1945). Elle fixe les conditions d’exploitation des chantiers de fouilles archéologiques et de sauvegarde des objets et monuments que l’on peut y découvrir.
1942 : Création des Inspecteurs des Sites qui réaliseront le relevé architectural et typologique des bâtiments ruraux, patrimoine jusqu’alors exclu du champs des protections.
1943: Loi du 25 février. Elle institue un régime de contrôle sur les travaux effectués dans un périmètre de 500 mètres autour des édifices protégés pour ne pas nuire à leurs abords.
1962: Loi du 4 août, dite Loi Malraux. Elle crée la notion de secteurs sauvegardés « qui présentent un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles". Pour les garantir elle définit des procédures d’urbanisme spécifiques. Les secteurs sauvegardés trouvent leur traduction concrète dans les "Plans de sauvegarde et de mise en valeur". La loi de 1962 qui insuffle un nouveau regard sur le patrimoine, initie également l’Inventaire général du Patrimoine, confié à André Chastel. Loi reprise dans le code de l'urbanisme -Art L 313-1 et R 313-1 et suivants.
1964: Adoption en mai de la Charte de Venise lors du 2ème congrès international des Architectes et des techniciens des monuments historiques. Elle étend la notion de "monuments historiques" non seulement "aux grandes créations" mais aussi "aux œuvres modestes" et elle préconise la priorité de l'entretien régulier et de l'affectation des édifices sur leur restauration.
1967: décret n° 67-158 du 1er mars 1967 relatif aux parcs naturels régionaux. Il inclut dans les motifs de création d'un PNR "la qualité de son patrimoine naturel et culturel". Cela renforce l'attention portée au patrimoine vernaculaire.
1968 : loi du 31 décembre permet de payer les droits d’héritage avec des œuvres d’art moyen de renforcer la protection offerte aux meubles éléments important pour la compréhension de nombreux édifices.
1976: Elaboration du code de l’urbanisme qui reprend les dispositions concernant le patrimoine protégé.
1977 : loi du 3 janvier. Son article premier décrète l'architecture d'intérêt public : " L'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s'assurent, au cours de l'instruction des demandes, du respect de cet intérêt". Cette loi du 3 janvier institue également les Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement (CAUE), rattachés aux Conseils généraux.
1980: 6 novembre: séance inaugurale de la commission régionale de l’Inventaire général
1983, Loi n° 83-8, du 7 janvier relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat. C'est elle qui stipule (art. 35) que le territoire est "le patrimoine commun de la nation…" disposition qui forme l'article L-110 alias 1er du Code de l'Urbanisme. Dans son Titre II chapitre 6 intitulé « de la sauvegarde du patrimoine et des sites », articles 69 à 72, la loi institue les Zones de Protection du Patrimoine Architectural Urbain (ZPPAU) (la mention aux paysages viendra après, ZPPAUP) qui « peuvent être instituées autour des monuments historiques et dans les quartiers et sites à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d’ordre esthétique ou historique ».
1984: décret n° 84-304 du 25 avril (J.O. du 27 avril) fixant les modalités d'application relatives aux zones de protection du patrimoine architectural et urbain. Modifié par le décret n°99-78 du 5 février 1999)
1984: décret du 15 novembre, instaurant les Commissions régionales du patrimoine historique archéologique et ethnologique (COREPHAE) et modifiant en la décentralisant (rôle du préfet de région et de la DRAC) la procédure de protection.
1985: en mars, installation de la COREPHAE d’Ile de France 1985 : circulaire n° 85-45 du 1er juillet 1985 relative aux zones des protections du patrimoine architectural et urbain. Ce texte non publié au JO forme la charte des ZPPAU en en définissant les enjeux, les procédures d’élaboration et les effets.
1985: Réforme de la Commission supérieure des monuments historiques
1988: décret n° 88-443, du 25 avril, art. 1° « A l’initiative des régions, un territoire à l’équilibre fragile et au patrimoine naturel et culturel riche peut être classé en parc naturel régional ».
1992 : Convention européenne de Malte, du 16 janvier. Elle stipule qu’un Etat doit intervenir pour « protéger le patrimoine archéologique en tant que source de la mémoire collective et comme instrument d’étude historique et scientifique ».
1993: Loi du 8 janvier : sur la protection et la mise en valeur des paysages. Elle étend les ZPPAU au patrimoine paysager (ZPPAUP).
1996: Loi du 2 juillet portant création de la « Fondation du patrimoine » qui a pour but de « promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national ». En fait elle s’est donné pour objectif principal l’identification et le sauvetage de ce qu’il est convenu d’appeler le « petit patrimoine » ou patrimoine de proximité c’est à dire celui qui en principe n’est pas protégé.
1997 : loi du 28 février (J.O. du 1er mars 1997) Elle crée les commissions régionales du patrimoine et des sites qui se substituent au CORIPHAE. Cette CRPS comprend trente membres : sept représentants l’administration, huit élus, huit personnalités qualifiées, trois représentants des associations et quatre des professionnels. Elle est chargée d’émettre un avis sur les propositions de classement de monuments historiques ou d’inscription à l’inventaire supplémentaire, ainsi que sur les projets de création de ZPPAUP.
1999 : Décret n° 99-78 du 5 février. En application de la loi du 28/2/97, il organise au profit des Maires ou de l’autorité compétente pour délivrer les permis de construire, la procédure d’appel, auprès du préfet de région, de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France pour les autorisations de travaux dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits et dans les secteurs sauvegardés.
2000 : Loi n° 2000- 1208 du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain. Elle modifie les objectifs donnés aux documents d’urbanisme dans une optique beaucoup plus favorable au patrimoine bâti. La loi pose un principe général en stipulant que les différents périmètres d'aménagement et les documents d'urbanisme, élaborés en commun entre les municipalités et les services de l'Etat, à savoir les Schémas de Cohérence Territorial (SCOT) et les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) se voient assigner par l'article 1er un objectif de sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti. C'est une novation par rapport aux anciennes règles qui ne mettait pas le patrimoine et sa protection parmi les objectifs des documents d'urbanisme, au mieux il pouvait en tenir compte (texte repris pour les PLU par l’article L 123-1-7 du code de l’urbanisme qui dispose que les plans locaux d'urbanisme (…) peuvent Identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur protection. D’autre part la loi SRU par son Article 40 permet la modification du périmètre de 500 m, pour l’adapter non plus en fonction de la co-visibilité par rapport à l'édifice protégé mais en fonction de l'intérêt intrinsèque de l'espace dans lequel il se trouve. Il s'agira désormais de " désigner des immeubles et des espaces qui participent de l'environnement du bâtiment pour en préserver le caractère ou contribuer à en améliorer les qualités". C'est donc la théorie de l'écrin qui est formalisée.
2001 : Loi n° 2001- 14 du 17 janvier relative à l'archéologie préventive…
2002 : La loi Démocratie de proximité du 27 février 2002 (Loi 2002-276 J.O. du 28 février 2002) à travers deux articles, les 111 et 112, aborde la question du patrimoine notamment bâti et ouvre une nouvelle étape pour une plus grande décentralisation de la gestion du patrimoine bâti.. L’article 111, a ouvert de nouvelles perspectives en matière de patrimoine bâti en instituant pour les collectivités territoriales, la possibilité d’expérimentations notamment sur la gestion et le financement des édifices protégés et la conduite de l’Inventaire général. L’article 112 concerne la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites instituée par la loi du 28 février 1997, qui se voit confier les recours face aux autorisations de travaux délivrées par les Architectes des Bâtiments de France.
2003 : Loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 relative à l’urbanisme et à l’habitat (J.O. 3 juillet 2003). Plusieurs articles ont une incidence en matière de patrimoine bâti. L’article 1er stipule que la restauration d’un bâtiment est possible dés lors qu’il « reste l’essentiel des murs. porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment ». L’article 15 autorise quant à lui les changements de destination des bâtiments agricoles (« dans les zones agricoles, le règlement peut désigner les bâtiments agricoles qui, en raison de leur intérêt architectural et patrimonial, peuvent faire l’objet d’un changement de destination, dés lors que ce changement de destination ne compromet pas l’exploitation agricole »), article très important puisque de très nombreuses fermes ne sont plus actuellement exploitées et risquaient de disparaître fragilisant l’ensemble du bâti rural..
2004 : Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Cette loi qui marque une nouvelle étape dans le transfert des compétences entre l’Etat et les collectivités locales, confie aux Régions la charge de l’inventaire général du patrimoine culturel. (art. 95) ce qui renforce la territorialisation du patrimoine bâti et son rattachement aux questions d’aménagement des territoires. L’article 97 permet le transfert sous certaines conditions de la propriété de monuments historiques de l’Etat aux collectivités qui en font la demande. Dans le même esprit l’article 99 crée une « expérimentation » permettant aux collectivités de gérer directement les crédits budgétaires d’Etat affectés aux monuments historiques.
Màj : 31/12/07
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